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Archinul


La micro polémique entre Sarkozy et Delanoë sur le manque d'ambition culturelle et architecturale de Paris a eu au moins le mérite de souligner à quel point la mairie était à court d'arguments sur le sujet. Et, au passage, de donner au maire de Paris l'occasion de commettre une gentille petite boulette ...



Archinul
Pour tenter de se défendre alors qu'il était attaqué sur le caractère anecdotique et frileux de sa politique, Delanoë a pondu un communiqué de presse énervé.

"Je me permettrai de lui (Sarkozy) rappeler que des architectes aussi illustres que Jean Nouvel (la Philharmonie), Franck Gerhy (Fondation pour le création), Patrick Berger (Canopée des Halles), Rudy Riccioti (Stade Jean Bouin), Jacob Mac Farlane (sic !) (Docks en Seine), Jacques Herzog et Pierre de Meuron (Tour Triangle), Christian de Portzamparc (Paris Rive Gauche), Rem Koolhaas (entrepôts Mac Donald) ou Winy Maas (ZAC Rungis) investissent leur talent dans des projets actuellement en cours au coeur de la capitale."

Et cet outragé de poursuivre : "Depuis plusieurs années, nous avons lancé la rénovation et l'aménagement de 10% du territoire parisien, notamment dans les friches urbaines de la périphérie historiquement négligées, là où émergeront demain les composantes de la ville contemporaine."

Magnifique! Ceux qui ne savent rien de ce qui se passe réellement à Paris depuis 2001 seront certainement impressionnés ...

Car, en bientôt huit ans d'une municipalité de gauche qui se prétendait novatrice et moderne et qui a multiplié par cinq la dette de la ville, où sont les réalisations ? Les deux postes de dépense en plus forte expansion sont les aménagements de voirie qui ont porté atteinte au patrimoine haussmannien et le financement de logements sociaux qui, en réalité, entretient le blocage du marché immobilier parisien (voir ici). Les grands projets architecturaux sont pour la plupart à l'état d'images et de maquettes et les rares qui commencent à sortir de terre laissent dubitatifs.

Une rapide tour d'horizon ?

Il y a d'abord les ratages.

Au premier chef, bien sûr, les Halles où, par lâcheté et capitulation devant des intérêts particuliers, Delanoë a d'abord laissé passer l'occasion, avec Rem Koolhaas, de faire entrer Paris dans le 21ème siècle. Il est désormais embarqué dans la logique funeste d'un bâtiment qui, accumulant les renoncements et les choix démagogiques, formerait une verrue au milieu du visage de Paris ( voir ici). C'est à se demander s'il ne faut pas que cet édifice sorte de terre afin de symboliser ce que produit réellement cette politique. Et qu'on le rase quelques années plus tard, en une grotesque réplique de l'histoire du "Fort des Halles" qu'Haussmann décida de faire démolir à peine avait-il été inauguré.

On peut aussi y ajouter le bâtiment de Jakob et Mac Farlane (et non de Jacob Mac Farlane comme l'écrit imprudemment le communiqué du maire pour chanter les louanges de cet architecte illustre qui n'existe pas ! ) qui rhabille les anciens magasins généraux du Quai d'Austerlitz, toujours en chantier, accumulant les années de retard. Delanoë n'a pas eu de mots assez dithyrambiques, alors qu'il était en campagne électorale, sur ce "Beaubourg vert". Mais les tubulures qui poussent sur la Seine sont à l'exact opposé des principes mêmes du centre Pompidou. L'originalité de Beaubourg tient au fait qu'il s'agit d'un bâtiment sans ornementation ni fioriture aucune. Tous les éléments architecturaux y ont une fonction. Les tuyaux d'Austerlitz et l'édifice qu'ils prétendent enjoliver sont à l'exact opposé : des décors, des effets branchetouilles sans intérêt, un geste à la mode dont le côté démodé sera patent avant même son inauguration.

Passons rapidement sur les projets de Nouvel et Gehry, portés par l'Etat et une fondation privée. Delanoë cherche à tirer la couverture à lui de manière un peu ridicule. Du reste, la Philarmonie est loin d'être faite. Son coût très élevé et son intérêt limité depuis que la salle Pleyel est redevenue publique feront renaître un jour ou l'autre le débat sur son opportunité.

Dans le même ordre d'idées, la rénovation du stade Jean Bouin, sur laquelle on possède encore peu d'éléments visuels, est une folie financière dès lors que l'organisation de compétitions de rugby pourrait trouver une solution, certes moins grandiose, mais infiniment moins coûteuse pour la ville. 150 millions d'euros, ça fait plaisir à Guazzini, mais c'est beaucoup (voir ici).

A l'opposé, la tour Toblerone, brocardée sous le nom de Triangle par les méchantes langues du groupe Unibail, ne coûtera soi-disant rien à la ville. Mais nos lecteurs savent abondamment pourquoi ce serait un ouvrage mal planté, comme on disait autrefois (voir notamment ici et ici). Et pourquoi la manip' qui la promeut est hautement critiquable. On peut faire de magnifiques tours à Paris, pas seulement sur le périphérique. Mais ce projet là est un véritable détournement de l'idée de tour, si l'on peut dire.

Reste donc, comme projets plus estimables, ceux de Koolhaas pour les entrepôts Calberson, de Portzamparc sur Seine Rive Gauche et de Maas sur la Zac Rungis. Encore s'agit-il largement de concepts et de planification globale d'évolution de ces sites. En 13 ans de delanoïsme, le bilan est maigre. Au regard des ratages évoqués plus haut, il est tragique.

L'explication de tout cela ? Une politique au fil de l'eau, sans courage, sans ligne directrice, à la recherche du coup médiatique ou de l'arrangement local, soumise à l'influence des petites coteries qui gravitent autour du pavillon de l'Arsenal.

Redonner à Paris son leadership culturel et architectural présupposera d'abord plus de réflexion, ensuite plus de détermination. Il ne faut jamais s'interdire de rêver.

Lundi 19 Janvier 2009
Serge Federbusch





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