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Le Grand Paris-Plage


Le Grand Paris est une nécessité. Pourtant, les projets des dix équipes convoquées pour nourrir le débat ont été compilés plutôt que sélectionnés. De même, la mise en œuvre du nouveau réseau de transports imaginé par Christian Blanc va se heurter à de dures réalités politiques, techniques et financières, dès lors que la question de la gouvernance du Grand Paris n’est pas réglée. Bref, le risque de l'enlisement n'est pas à écarter.



Le Grand Paris-Plage
Avec le sûr instinct qui le pousse à privilégier la com’, Delanoë a sauté sur ce qui, dans le menu du restaurant « Au grand Paris » présenté par le chef Sarkozy, permet de faire le plus d’esbroufe sans déranger ses intérêts. Il faut dire que, dans ce registre, le projet d’Antoine Grumbach a frappé fort. Comme on ne peut plus proposer d’agrandir le boulevard Saint Michel jusqu’à la mer, l’architecte suggère de construire une ligne de TGV jusqu’au Havre pour y amener les Parisiens en goguette qui veulent faire leur provision d’iode, le tout en 40 minutes chrono. Sûr que ça fait rêver le populo. C’est le Grand Paris-Plage, quoi.

Le seul problème – pardon pour les Havrais – c’est que ce port n'est pas une station balnéaire excitante. La plage de Sainte Adresse, beaucoup trop près de la ville, est fuie depuis des décennies par ceux qui lui préfèrent le littoral qui s'étend de Deauville aux plages du débarquement. Mais ces délices balnéaires sont à des dizaines de kilomètres du Havre et l’on imagine aisément la congestion pour s’y rendre au sortir de la future (et très éventuelle) gare de TGV. Quant au climat, tous les amoureux de la Normandie savent qu’il faudra expliquer à ces amateurs d‘escapades qu’ils ne pourront guère se baigner qu’entre juin et septembre, si l’année est clémente et qu’ils aiment l’eau fraîche. Cela justifiera-t-il la bonne dizaine de milliard d’euros nécessaire à la construction de ce super-train de jardin d’acclimatation ? Vous donnerez la réponse vous-mêmes.

Alors, bien sûr, il y a aussi, dans le projet Grumbach, la création de villes nouvelles et la rénovation des anciennes tout au long de la vallée de la Seine ainsi que l'agrandissement des infrastructures portuaires. Mais avouons que ce Très Grand Paris longiligne, entrelardé de zones rurales sur des dizaines de kilomètres, est peu cohérent, dépendant d’une myriade de petits intérêts catégoriels et territoriaux et qu’il éloigne du traitement de la situation d’urgence dans laquelle se débat de plus en plus l’agglomération parisienne. Ce qui pose le plus de problème aujourd’hui, c’est l’incohérence de l’urbanisation de la petite couronne, fruit des politiques menées sans coordination par des municipalités qui s’ignorent ou se jalousent. Nous avons dit ici notre intérêt pour les propositions, tout aussi ambitieuses mais beaucoup plus pertinentes, de C. de Portzamparc. Comme elles conduisent à des choix politiquement plus difficiles pour les maires concernés, il ne faut pas s’étonner qu’elles ne soient pas soutenues. Tout ceci renvoie au danger qu’il y aurait à renoncer à la réforme institutionnelle proposée par la commission Balladur, seule à même de contraindre une classe politique conservatrice à s’incliner devant l’intérêt général.

Autre sujet d’importance : la question des transports et le plan de Christian Blanc. Sur le papier, nul ne peut critiquer un projet de métro automatique reliant Saclay, Orly, Roissy et la Défense. Mais il y a, pendante, la question de son financement : au moins 23 milliards d’euros. Fera-t-il appel au secteur privé autrement que par la vente (délicate car les terrains ont déjà des propriétaires qu'il faudrait taxer ou exproprier) du foncier autour des futures stations ? Horresco referens, il est difficile de ne pas rejoindre Huchon ou de la Gontrie lorsqu’ils évoquent, goguenards, le grand point d’interrogation qui conclut ce sujet. D’autant que le projet Arc Express de la région Île-de-France, validé lui aussi, est considéré comme compatible avec celui de Blanc, ce qui est peut-être vrai techniquement mais l’est moins financièrement, son seul coût étant de 10 milliards d’euros.

Et l’on rejoint alors le sujet précédent : la question des arbitrages entre réseaux de transport ne pourra être résolue sans une autorité à même de les rendre. Bref, un conseil métropolitain financièrement et politiquement légitime pour y procéder et non un STIF ankylosé par les conflits entre l’Etat, la région, les départements et les communes.

La stratégie de fuite par la Seine, en matière urbaine, ou de contournement au large, en matière de transports, laisse sans solution le problème fondamental de l’Île-de-France, cet espace d’une dizaine de kilomètres autour de Paris qui, depuis bientôt 50 ans, s’est développé de manière passablement anarchique, donnant à notre ville -au sens large- un visage souvent rebutant et qui fonctionne en épuisant et en frustrant ses habitants, à un point aujourd’hui difficilement supportable. Le Grand Paris se passera-t-il de Paris ?



Dimanche 10 Mai 2009
Serge Federbusch





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