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Quand Delanoë fait demi-tour

L'opération de communication sur le "retour des tours" à Paris est d'ores et déjà compromise.



Cherchant à se donner une image de bâtisseur courageux, Delanoë a lâché à la presse quelques images "yéyé" de tours posées près du Périphérique lors du débat suscité au conseil de Paris. Ce ne sont évidemment que des tours de com’ et l’opposition a été bien inspirée de ne pas tomber dans ce panneau et de voter contre le lancement de ces études la semaine dernière.

Le premier objectif du maire, faire croire qu’il parvenait à dégager une large majorité autour de ses projets, est donc un échec et son enthousiasme est douché. Il suffisait, il est vrai, d’entrer un tant soit peu dans les détails pour se rendre compte que ce prétendu acte de courage politique dissimulait de mesquins calculs politiciens.

D’abord, Delanoë parle de tours de 50 mètres de hauteur pour y faire du logement social. On sait aujourd’hui, dans le monde entier, que ce type d’habitat conduit à des catastrophes. Une tour coûte cher à construire et encore plus à entretenir. Les bailleurs sociaux, sauf à solliciter un soutien ruineux des municipalités, n’ont guère les moyens de les gérer correctement. Quand bien même ils le feraient, une tour engendre mécaniquement un certain anonymat, les locataires du 5ème étage ignorant souvent qui habite au 15ème ou au 17ème et vice-versa. La forme de contrôle social -on disait autrefois autodiscipline ou sens civique- que permet un bâti de plus petite taille s’attenue dans une tour et les problèmes sociaux et de cohabitation s’y développent d’autant plus facilement. Bref, ce sont des bombes à retardement qu’on s’emploie partout à faire disparaître plutôt qu’à construire.

Pourquoi diable la mairie a-t-elle avancé cette proposition saugrenue ? La première explication est qu’elle permettait à Delanoë de donner le change vis-à-vis des Verts et des communistes en montrant que ses tours ne sont pas uniquement d’abominables bâtiments « libéraux » destinés à faire de l’argent avec des bureaux ou des activités pour les « riches ». La seconde est que la municipalité est bien en peine de trouver l’espace pour tenir sa promesse de 40.000 logements sociaux sous la mandature, sauf à devoir préempter à prix d’or tout ce qui arrive sur le marché, y compris des appartements à l’unité. La troisième découle des deux premières. Toute à sa constitution de « bourgs de poche » bien-votants garantissant sa mainmise sur la ville jusqu’à la nuit des temps, la municipalité cherche à bourrer certaines zones d’électeurs reconnaissants, notamment aux Batignolles.

En réalité, les seules tours d’habitation qui fonctionnent sont celles qui proposent des logements de luxe mais, elles, la mairie n’en veut pas et on comprend bien pourquoi. Quant à mixer social et haut-de-gamme, on attend avec intérêt les explications des commissions qui décideront de l’attribution de logements flambants neufs dans des tours de prestige à tel ou tel privilégié, à un prix cinq fois inférieur à ce que payent les gens du dessus. Ou la façon dont le promoteur s’y prendra pour vendre à ces derniers l’idée de cette cohabitation.

Reste la question des tours de bureaux ou d’activités. Là aussi, les termes du débat proposé par la mairie étaient truqués. D’abord, elle en évoque l’implantation uniquement là où cela l’arrange politiquement. Elle propose ainsi Masséna-Bruneseau pour le Tribunal de Grande Instance alors qu’une exposition à la Cité de l’architecture, il y a un an et demi, avait été l’occasion d’un débat montrant que le site Austerlitz était meilleur. Mais, menacée des foudres de ses associations-relais du 13ème arrondissement, la mairie s’y refuse et parle de jardins et de bâtiments bas à cet endroit.
Pourtant, il faudra bien se résoudre un jour à densifier cette zone si l’on veut éviter à l’opération Paris-Rive-Gauche un épouvantable bouillon financier et achever la construction de la dalle qui doit empêcher que le site ne soit éternellement coupé en deux.

Autre exemple : le projet de tour hôtelière à la porte de Versailles pour faire plaisir au groupe Unibail. Ce dernier profite déjà de l’inanité du pilotage municipal du dossier des Halles qui va faire de la Canopée un stand commercial géant. Mais il espère sans doute rafler davantage.

En résumé, le débat sur la hauteur à Paris a été lui aussi escamoté au profit d’une stratégie publicitaire. Déplafonner la construction partout où le gabarit haussmannien n’est déjà plus respecté serait une meilleure idée. A la condition de permettre le retour de la promotion privée qui n’endettera pas la ville et produira spontanément les mètres carrés supplémentaires dont elle a besoin pour loger ses habitants et faire baisser le prix du foncier. On observera qu’aujourd’hui Paris est la seule grande ville de France où ce prix continue d’augmenter du fait de la pénurie d’offres. La seule intervention légitime de la mairie consisterait alors à imposer une haute qualité architecturale et environnementale aux bâtiments qui sortiront de terre.


Lundi 14 Juillet 2008
Serge Federbusch





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