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Aux murs citoyens !



Ancien du Perroquet Libéré, cousin spirituel de Delanopolis et pionnier de la lutte contre le déclin festiviste qui corrompt Paris depuis 2001, Gaëtan de Royer vient de publier "Aux affiches citoyens" un très intéressant ouvrage fort bien illustré et documenté sur le rôle de l'affiche dans la vie politique française au 19ème siècle.

Un entretien exclusif avec le Delanopolis ...



Interchangeables
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Comment décrire votre livre, en quelques mots ?

- J’ai voulu regrouper les affiches électorales et insurrectionnelles les plus importantes et les plus émouvantes du XIXe siècle, pour raconter cette période particulièrement agitée à travers le prisme de la communication et de la mobilisation des foules. Partir de l’affiche, c’est raconter cette histoire depuis l’œil du cyclone. C’est un beau livre, accessible et très illustré, à mi-chemin entre le manuel politique et le livre d’histoire.

D’où vous vient la passion des affiches ?

- Enfant, j’ai été fasciné par la présidentielle de 1988. A neuf ans, on vit ce type d’évènement dans sa rue plutôt qu’à travers les médias. Je voyais les collages d’affiches comme des conquêtes de territoires, j’observais l’activité des militants comme on regarde, à cet âge, un western.

A travers cette anecdote, on touche à un aspect très intéressant de l’affiche : c’est un dérivatif, qui permet de canaliser et d’euphémiser la violence électorale. Une affiche est un message politique que l’on peut, sans coups, lacérer et recouvrir. Symboliquement, c’est fort. Je suis convaincu qu’au XIXe siècle, période révolutionnaire, l’affiche a contribué à domestiquer le choc des opinions, à détourner les gens de la violence physique.


Que nous dit l’affiche politique du XIXème siècle sur notre passé ?

- Politiquement, c’est un merveilleux marqueur de l’intensité de la censure et de la réalité de la liberté d’expression. Contrairement aux idées reçues, la France a connu quelques périodes relativement libérales en régime monarchique (été 1830) et, à l’inverse, très cadrées sous la IIe République (juin 48) ou sous la Commune. Quel que soit le régime, on a du mal à doser les droits et concessions ; les libertés s’affirment dans un mouvement de balancier.

Culturellement, le développement de l’affiche accompagne l’alphabétisation des masses : d’abord destinée à une élite, elle s’adresse progressivement au plus grand nombre. L’alphabétisation est un mouvement continu, soutenu par tous les régimes : Guizot installe des écoles dans les villages, Duruy encourage la gratuité de l’enseignement et la scolarité des filles, Ferry consacre l’école laïque et obligatoire. Ce progrès culturel, linéaire, contraste avec les ruptures politiques.
Humainement, enfin, l’affiche politique illustre un siècle romantique où l’on pouvait mourir pour ses idées. La puissance de l’affiche accentue le lyrisme de certains moments. L’affiche est une arme de combat, un acte : avec la presse, on s’adresse aux convertis ; avec l’affiche, on s’impose aux adversaires, on théâtralise son engagement, parfois même son sacrifice.

S’il fallait en retenir une ?

- Celle de Delescluze, délégué civil à la guerre, sous la Commune : pour le style littéraire et la fusion qui s’opère, à la veille d’une bataille décisive, entre l’homme et l’affiche : « Citoyens, assez de militarisme, plus d’états-majors galonnés et dorés sur toutes les coutures ! Place au Peuple, aux combattants aux bras nus ! L’heure de la guerre révolutionnaire a sonné. Le peuple ne connait rien aux manœuvres savantes ; mais quand il a un fusil à la main, du pavé sous les pieds, il ne craint pas tous les stratégistes de l’école monarchiste. Aux armes ! citoyens, aux armes ! ».

Cinq jours plus tard, Delescluze tombe sur une barricade. Dans la capitale reprise par les soldats de Mac Mahon, les cendres de l’affiche de Delescluze se mêlent à son propre sang. La fusion est totale.

Que nous dit l’affiche politique du XIXe sur notre époque ?

- Par contraste, elle souligne à quel point nous sommes entrés dans l’ère du vide. Issue d’un personnel politique où les avocats, les écrivains, voire les poètes (comme Lamartine) étaient particulièrement bien représentés, l’affiche du XIXe déclinait, dans un style parfois exceptionnel, des argumentaires pensés, structurés et cohérents, inspirés de valeurs assumées. Aujourd’hui, l’affiche est dominé par le monde de la publicité, très largement dépolitisé ; l’image est omniprésente, le texte minimaliste. L’exemple le plus frappant est, sans-doute, celui de la campagne de Nathalie Kosciusko-Morizet pour les dernières municipales à Paris : la convivialité, si possible autour d’un bon café, devient l’alpha et l’oméga d’une communication politique privilégiant la séduction à la persuasion.

Il faut dire que, pour une classe politique devenue impuissante, c’en est fini des grands discours mobilisateurs ; pour éviter les rêves d’antan, la politique se désarticule d’une vision historique. Ne plus parler du passé et montrer des horizons dégagés devient la règle. Et, au final, toutes les affiches se ressemblent. Le fond d’écran Windows a remplacé nos joutes argumentées.

Merci Gaëtan !

Pour commander le livre, publié aux Editions du Mécène cliquez ICI.


Elle a bu la tasse !
Elle a bu la tasse !

Lundi 8 Février 2016
Serge Federbusch





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