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Bonne gestion ? Laisse béton !



En 2008, après deux années d’investigations, l’Inspection générale de la ville de Paris a remis à Delanoë, dans la plus grande discrétion, un audit de la fonction « bâtiment » au sein de l’administration municipale. Aucune publicité n’a évidemment été faite à ce travail (plus de deux cents pages) et il faut beaucoup d’opiniâtreté pour le débusquer dans les méandres informatiques de la ville. Et pour cause : le constat est accablant.



Bonne gestion ? Laisse béton !
Il y a près de dix ans, en 2001, quand une lumière nouvelle a soudain resplendi sur la ville, la nullité de la gestion tibériste fut claironnée. Manque de chance, l’audit des finances alors commandé par Delanoë révéla qu’il héritait « d’une aisance financière exceptionnelle pour une ville (y compris lorsqu’on élargit la comparaison aux métropoles étrangères) ». Il fallut malgré tout critiquer et l’immobilier fut alors une cible de choix.

Manque de chance : depuis que Bertrand « Delabonnegestion » est aux commandes, les choses ont empiré, si l’on en croit le volumineux rapport de l’Inspection générale, assistée pour la circonstance par un cabinet d’audit privé.

Alors que la ville est à la tête d’un patrimoine de 5 millions de m2, un des plus importants de France, elle ne dispose toujours pas d’un inventaire complet (c’était pourtant la principale critique contre les affreux prédécesseurs, il y a dix ans). Pire, sans même parler de recensement exhaustif, «la ville a une mauvaise connaissance d’ensemble de son patrimoine immobilier et des charges induites par l’occupation et l’entretien des bâtiments ». Pourtant, cette gestion « mobilise des effectifs nombreux (2400 agents) » !

Mais le plus savoureux reste à venir : « la transposition à la ville des catégories en vigueur chez les professionnels de l’immobilier (pour apprécier qui fait quoi – NDD) conduit à un périmètre sensiblement plus large de la fonction bâtiment : les agents impliqués dans la fonction bâtiment sont alors multipliés par 4,5 passant de 2400 à environ 11 000 agents ».

En d’autres termes, plus de 20% des quelque 50 000 agents parisiens sont affectés à la gestion de bâtiments dont le maire ne connaît ni le nombre précis ni l’état réel ! Avec un humour (involontaire ?), le rapport note que « le travail réalisé dans le cadre de la présente mission constitue le premier document synthétique permettant de disposer d’une estimation par direction et typologie d’équipements du patrimoine bâti », répondant ainsi à la critique que le même rapport formule sur le fait que « jusqu’à une date récente, la Ville ne disposait d’aucun instrument de recensement des actifs et d’objectivation de l’utilisation de l’espace ».

Conséquence de cette carence ? « La sous-occupation des locaux et l’inadéquation de l’usage fait du bâtiment ». Le rapport souligne d’ailleurs, un brin désabusé, « le patrimoine semble ainsi voué à une loi d’extension constante, afin de répondre toujours mieux aux besoins nouveaux exprimés par les directions ». Et d’ailleurs, les chiffres traduisent cette dérive : « le coût des locations n’a cessé de s’alourdir. Ce poste s’établit en 2008 à 36,8 M€ »… Il était de 18,4M€ quand Bertrand « Delabonnegestion » est devenu maire. C'est-à-dire qu’en moins de dix ans, sur les seules locations, la dépense a été multipliée par deux alors même que les locaux sont sous-occupés selon le constat des inspecteurs municipaux. Pour les seuls besoins de stockage et d’archivage de papier et de mobilier des directions, ce sont 50.000 m2 qui sont loués, pour un coût annuel de 2 M€ en 2006 !

Remarquez, quand on lit le rapport, on se dit que ça risque de continuer : dénonçant « la faiblesse de la gestion locative », les inspecteurs écrivent : « longtemps confiée à la DLH (SADI), la gestion des bâtiments (copropriétés) a été à partir de 2004 attribuée aux directions sans être accompagnée d’un transfert d’effectifs ou de savoir faire. Des directions notoirement sous-dotées en personnels qualifiés (exemple de la DAC) se trouvent désormais gestionnaires d’immeubles occupés par des associations dont elles n’ont ni les moyens d’estimer les risques liés au bâti ni la capacité d’en contrôler l’usage. Les logements de fonction des personnels sont gérés par chaque direction pour les agents concernés (directeurs d’écoles et de crèches pour la DASCO et la DFPE). Les directions disposent de leurs locaux, peuvent en modifier l’affectation et décider de les louer à des tiers (DAC, DASCO).

Enfin, s’agissant des locaux tertiaires, la montée en puissance récente des dépenses de location est une conséquence de l’absence de savoir-faire des directions en la matière. La constitution d’un pôle de compétence immobilier permettrait de renégocier les conditions de location ou à tout le moins d’optimiser les différents postes de dépenses ».

En quatorze lignes, on apprend ainsi que le maire de Paris a décidé en 2004, pour des raisons inconnues, de faire gérer les bâtiments par des agents dont ce n’est pas le métier, qui sont en nombre insuffisant (ce qui est un authentique exploit quand on sait que 11 000 agents municipaux sont affectés à la fonction bâtiment), que les directions peuvent louer des logements de fonction à des tiers et que le doublement des dépenses de location provient notamment de l’absence de compétence des directions en la matière.

Au secours !!!

L’accablement déjà grand se mue en consternation quand le rapport aborde la question des coûts de construction. On y apprend que « L’absence de culture de l’évaluation est particulièrement marquée en ce qui concerne la fonction travaux ». Mieux (si l’on ose dire) : « Le sujet du prix des travaux et du coût des équipements aujourd’hui tabou et porteur de nombreux coûts cachés devrait constituer la matière même d’échanges décrispés et de réajustements constructifs ».

Traduction de ce chef d’œuvre de langue de bois : le coût d’une opération est le cadet des soucis de Bertrand Delabonnegestion et là où il claironne hausse des dépenses d’investissement, le contribuable parisien doit traduire financement incontrôlé d’opérations arrêtées sans ligne conductrice. Il est vrai que pour qui a travaillé de près ou de loin avec la ville, sa réputation de volaille à plumer pour entreprise de travaux publics n’est plus à faire.

Et c’est là que le rapport devient chef d’œuvre. Il nous apprend : qu’« une commission de l’immobilier présidée par la première adjointe, en charge de l’urbanisme et de l’architecture, de l’adjoint chargé des finances et de celui en charge du logement pourrait être instituée afin d’arrêter les options foncières et immobilières stratégiques et de prendre les décisions majeures ». Quelle bonne idée ! Réfléchir avant de décider de dépenser de l’argent public : « ré-vo-lu-tio-naire », comme on dit quand on est maire d’arrondissement socialiste pour parler de la place de la République.

Mais le rapport, décidément pétaradant, ne s’arrête pas en si bon chemin. Il indique qu’ « une commission de pilotage des opérations immobilières présidée par le Secrétaire général dont la composition pourrait être adaptée en fonction des sujets mais qui associerait de façon systématique les directeurs de l’urbanisme, des finances et du patrimoine et des travaux apparaît indispensable. Elle fixerait des programmes transversaux correspondant aux priorités de la mandature, arrêterait le programme des opérations puis s’assurerait que l’avancement du projet est conforme au calendrier arrêté. Afin d’éviter les remises en cause trop fréquentes des programmes (ça doit donc être souvent le cas ! NDD), le contenu du programme tel qu’arrêté par cette commission s’imposerait tant au conducteur des travaux qu’à la direction affectataire ».

Les inspecteurs pourraient consulter leurs archives car ils se seraient rendu compte qu’ils venaient d’inventer l’eau chaude ! En effet, leur proposition, toute de bon sens, conduit à recréer exactement ce qui existait avant l’arrivée de Bertrand Delabonnegestion (ça s’appelait « Commission des opérations immobilières ») et que lui-même a décidé de supprimer, probablement parce que ce n’était pas assez moderne. En lisant, même pas entre les lignes, on constate qu’actuellement les projets d’investissement ne sont maîtrisés ni dans leur programme ni dans leur coût.

Au moins les contribuables parisiens peuvent-ils comprendre pourquoi ils ont été victimes de hausses historiques de leurs impôts et pourquoi ce n’est pas fini. Pour cent briques, t’as plus rien !

Mercredi 27 Janvier 2010
Serge Federbusch






1.Posté par Gaspardgrognard le 01/02/2010 14:51
Dans le domaine des incompréhensions immobilières, il serait bon de connaître comment sont attribués les locaux sous le viaduc de la Coulé verte, avenue Daumesnil.
En principe réservés aux artisans créateurs, il semble bien que le coût de location est prohibitif, au point qu'en fait d'artisans, ce sont plutôt des expositions temporaires, des showrooms provisoires qui occupent ces locaux.
Est-ce que certains d'entre vous à davantage d'informations à ce sujet ?

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