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DELANOPOLIS
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Delanopol-off



Le Delanopolis s'est offert une petite virée dans le bazar théâtral d'Avignon et en revient plutôt satisfait.



Delanopol-off
Le festival off d'Avignon est un cruel paradoxe : une noria d'intermittents de gauche s'y livrent à une concurrence pure, parfaite et féroce - ob/scène dirait-on - pour attirer le chaland. La main invisible est ici remplacée par le bouche-à-oreille qui renseigne mieux que quiconque sur ce qu'il faut fuir ou voir. Naturellement, toutes les manipulations sont possibles et le jugement du public est souvent injuste. Mais telle est la vie, pauvre cultureux !

Alors, que retenir et que laisser de côté, sachant que certaines de ces pièces viendront ou sont déjà venues à Paris ? Rappelons à toutes fins utiles qu'il y a plus de 1100 spectacles dans le Off et que nous en avons vus moins d'une vingtaine.

Voici donc le Best-Off ® du Delanopolis :

1 - Le baiser de la veuve, d'Israël Horovitz, au théâtre Isle 80 (attention la même pièce est montée par une autre compagnie en un autre lieu mais nous n'en dirons rien car nous ne l'avons pas vue).

Un drame noir, puissant, poignant, parfaitement interprété par Sylvia Bruyant, qui l'a mis en scène, et ses deux compères Stéphane Bénazet et Delry Guyon. C'est toute la misère et les joies de courte durée de pantins humains aux gestes convulsifs, victimes d'un environnement scabreux, brutes épaisses et paumé(e)s qui n'arrivent pas à oublier un passé trop lourd. Sans aucun pathos, sans ennui, un texte magnifique et dense du plus grand dramaturge contemporain. Superbe.

2 - Vauban, la tour défend le roi

Une mise en mots et en scène (par Florence Camoin, bravo), des vaines tentatives de Vauban pour sauver la royauté des mauvaises habitudes qui finiront par l'emporter, 80 ans plus tard. Cet architecte de génie, ce stratège hors pair était également un économiste avisé et Louis 14 aurait été mieux inspiré de lui faire entièrement confiance, notamment en matière de réforme fiscale. Trop tard : le roi était las et l'Etat était déjà passé sous le contrôle des petits malins qui, sous prétexte de réalisme, tuaient toute initiative. Une engeance qui n'a pas cessé de nuire, qu'on en juge par la France d'aujourd'hui. Et nous ne vous parlerons pas de Paris ...

Tout cela est original, instructif et interprété avec un professionnalisme et une rigueur irréprochables à l'Espace roseau, salle Nicolas Gogol.

3 - La famille Maestro

Natacha et Mario Santangeli sont des amis mais ça ne nous empêchera pas de dire le plus grand bien de leur spectacle musical, conçu pour les enfants mais que les adultes peuvent consommer sans modération. Délicieux de gaité, de fraîcheur et particulièrement intelligent pour faire découvrir la "grande" musique aux bambins. On passe son temps à en fredonner les chansons dans les jours qui suivent ... Au Théâtre du Forum.

4 - Al Andalus, Flamenco nuevo

Si le diable jouait des claquettes et sa version femelle des castagnettes, ils se sentiraient parfaitement à l'aise sur le parquet de l'Espace roseau, dans la chorégraphie de Paco Fernandez. Le spectacle commence à 10 heures trente et se termine fort tard quand les musiciens n'arrivent plus à cesser d'enchainer les Sevillanas. Arriba !

5 - La controverse de Valladolid

Bien sûr que les Amérindiens ont une âme et sont des hommes ! Enfin ... qu'ils soient des hommes ne signifie pas nécessairement qu'ils aient une âme. Il a fallu la désormais fameuse controverse de Valladolid pour que l'Eglise se résigne à voir ces sauvages emplumés comme les égaux en Jésus-Christ des sauvages emperruqués ou casqués du Vieux continent. Rien à dire sur la mise en scène sobre et efficace de Jean-claude Carrière bien reprise au théâtre du roi René par la compagnie les théâtr'Ailes.

6 - Le misanthrope

Mise en scène classique pour un chef d'oeuvre classique mais l'énergie formidable de ces jeunes acteurs et l'excellentissime Célimène (Delphine Depardieu) mérite qu'on y repique. Au théâtre le Palace.

7 - Le bruit qui court, par Vilsek

On rit à gorge déployée au décours de certains sketchs comme celui relatif aux messages pré-enregistrés d'accueil du public par des standards téléphoniques. Xavier Vilsek court sur scène autant que tous ces bruits qui nous cernent et qui, il le montre si bien, nous rendent un peu fous. Au théâtre Laurette.

8 - Gaspard Proust, enfin sur scène ?

Un comique pince sans rire qui abuse un peu du registre célinien du tir tendu sur tout ce qui bouge mais qui sait quand même rester dans les limites du politiquement correct. Il faut bien passer à la télé, quoi ! A propos, ce n'est pas Wilde mais Proust qui a écrit qu'il fallait laisser les jolies femmes aux hommes sans imagination. Une erreur impardonnable quand on s'appelle comme ça ! Au théâtre du Monte-charge.

9 - Nuit blanche chez Francis

C'est une bonne idée de chercher à faire revivre Francis Blanche, ce truculent et savoureux acteur à la pétulance communicative. Mais, finalement, à quatre, c'est moins bien que tout seul et l'humour de Blanche, moins allumé que celui de son complice Pierre Dac, est, osons le dire, un peu daté quatrième république. Au théâtre le Petit chien.

10 - Shoebiz

Le public applaudit debout les numéros de claquettes des champions du monde (?) de la discipline. Certes, mais tout ce qui n'est pas strictement acrobatique et prétend à la mise en scène n'a que peu d'intérêt, mis à part un amusant détour par une montagne de pacotille. Collège de la salle, Théâtre du préau.

11 - Le souffle magique

Paul Maz s'essaie à faire rêver les enfants avec peu de moyens mais de la poésie en placebo. C'est gentil mais vraiment pour les tout petits. Au théâtre La Luna.

12 - Erendira

Le texte de Garcia Marquez, dans la traduction qui en est faite, prend un tour ampoulé et les décors outrancièrement baroques ainsi que le jeu appuyé des acteurs finissent par donner un léger haut-le-coeur, comme une sauce trop riche. Bref, une grosse déception mais ce n'est pas grave car le public est content. Par la compagnie Premier acte au théâtre du Chien qui fume.

13 - 20.000 lieux sous les mers

Sydney Bernard se donne du mal pour incarner tout seul ou presque cette épopée mémorable de Jules Verne. Cela plaît aux gosses car, à un moment, les tentacules de la grosse pieuvre viennent vous chatouiller le menton. Mais cela n'ajoute rien à l'univers subaquatique que nous avons tant aimé quand nous étions enfant. Et l'on se surprend même à compter les lieux pour souhaiter d'arriver plus vite au 20.000 ème ! Au théâtre du Chien qui fume.

14 - Entre chien et loup

Ce n'est pas bien d'avoir ramené ce désabusé de génie, cet observateur impitoyable de la condition humaine que fut Jean de la Fontaine au rang de simple dénonciateur de l'ordre établi et de la police, lecture manichéenne propre à rassurer les conformistes. Dommage, car les décors étaient réussis. Au Collège de la salle, mise en scène François Bourcier (bouh!).

Sinon, les amateurs d'art pourront se dispenser de visiter l'expo Miguel Barcelo au Palais des Papes, qui rassemble ce qu'il y a de plus ennuyeux chez un maître qui innove pourtant souvent par son approche radicale de la matière picturale et de la couleur. Mieux vaut retourner admirer la donation Puech et les tableaux des Vernet au musée Calvet. Ou lézarder à la splendide piscine-palmeraie de l'île de la Barthelasse. Ou s'enfuir, saturé de culture et de déclamations, au fin fond des Cévennes, à l'ombre des châtaigniers. Vous ne direz pas que vous n'aviez pas le choix.

Jeudi 22 Juillet 2010
Serge Federbusch





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