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La fabrique du goût

Le 8ème "Parcours du monde" à Saint-Germain-des-Près et la remarquable exposition "Regards marchands" à la Monnaie de Paris nous rappellent à quel point, pour les arts primitifs comme pour les autres, le marché de l'art et le binôme marchand/collectionneur n'ont rien à envier aux musées et à leurs conservateurs.



La fabrique du goût
Le pire de la crise serait-il passé ? S'il est un baromètre assez précis en ce domaine, c'est bien le marché de l'art. Avec les coiffeurs et les taxis, c'est une des professions les sensibles aux évolutions conjoncturelles. Or, samedi 12 septembre, il régnait comme un climat de douce satisfaction, à défaut de franche euphorie, dans les deux ou trois rues de Saint-Germain-des-Prés, investies par les galeries d'art primitif du monde entier. La foule se pressait, compacte et admirative. "L'an dernier rien ne se faisait, cette année les négociations sont dures mais elles aboutissent". Voilà, en gros ce qu'on entendait dans la bouche des marchands.

Le principe des "Parcours du monde" est simple et intelligent. Les galeristes du quartier louent pendant une semaine à des confrères étrangers spécialisés en arts premiers leurs murs afin qu'il y exposent leurs plus belles trouvailles. On voit donc une soixantaine d'enseignes nous montrer des merveilles et il faudrait un numéro spécial du Delanopolis pour ne parler que des plus significatives d'entre elles. Pendant une semaine, Paris concentre de très loin ce qu'il y a de mieux sur le marché international.

Les vendeurs peuvent réaffirmer leur rôle pionnier. Ce sont bien eux, les marchands, qui firent découvrir à Breton et Picasso ces trésors ignorés ou méprisés qui ont durablement changé le regard occidental. Et lorsqu'on voit la galerie parisienne Noir d'Ivoire proposer des piliers en terre cuite auxquels nul ou presque ne s'intéressait encore, on comprend soudain la beauté sculpturale de ces objets qui, demain, seront certainement l'objet de collections ferventes. Un jour, ils finiront dans d'oppressants musées, formules profanes des nécropoles d'autrefois.

En point d'orgue de cette manifestation, le bâtiment des Monnaies et Médailles expose ce que ces marchands ont vendu de plus beau, à leur opinion même, et qu'ils ont réussi à faire ressortir des collections privées en persuadant leurs clients de les prêter pour environ un mois. Il faut courir à cette présentation, qui recèle de vrais chefs d'oeuvre. Là aussi, la liste serait trop longue mais nous retiendrons un tête Nok, donnée comme datant du 23 ème siècle avant notre ère ! S'ils le disent, c'est assurément qu'ils ont le test de thermoluminescence pour le prouver. Et alors, il faut réaliser que cette effigie, d'une pureté géométrique et d'un réalisme stylisé éblouissants, est, au vu de son ancienneté, tout à fait digne de figurer aux côtés du scribe accroupi, à peu près contemporain, comme l'un des trésors artistiques de l'humanité archaïque.

Nous pardonnerons donc facilement les cartels parfois difficiles à déchiffrer dans la pénombre et les accrochages un peu compacts tant le résultat est à proprement parler magnifique.




Samedi 12 Septembre 2009
Serge Federbusch





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