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Les Orientales


Sympathique exposition à la maison de Victor Hugo. Heureusement, il ne s'est pas trouvé encore un seul porte-voix du politiquement correct pour se rendre compte que l'orientalisme fut l'avant-garde culturelle du colonialisme. Bientôt une demande d'interdiction ?



Les Orientales
Tout a commencé par l'ahurissante campagne d'Egypte de Bonaparte, envoyé là-bas avec 40.000 hommes à la pire saison, au coeur d'un été accablant, sans savoir exactement pour quoi il se battait et ce qu'il aurait à gagner, voué au désarroi par ses commanditaires du Directoire qui espéraient peut-être se débarrasser d'un jeune général remuant et assoiffé de pouvoir. Il partit avec scientifiques et artistes dans ses bagages, en revint piteusement mais, déjà maître des techniques de com', réussit à transformer son échec en victoire. L'imaginaire du "retour d'Egypte" allait s'emparer des lettres et des arts et irriguer des décennies durant la terre fertile de l'exotisme. L'un de ses plus efficaces héritiers, avec Chateaubriand, fut notre Totor national qui, dans ses Orientales, chante les cieux bigarrés, les déserts, les batailles, les odalisques et les chevaux.

Tout ceci fournit un prétexte à la maison d'Hugo pour nous montrer de beaux tableaux de Delacroix, Géricault, Chassériau, Girodet et toute la joyeuse bande de peintres romantiques à la palette enflammée. Rien de très neuf, mais on admirera quelques pièces peu souvent mises en valeur, un incroyable petit cheval de Barye servant à fondre les bronzes, des dessins et esquisses qui démontrent à quel point Delacroix était un précurseur. Et puis on peut musarder à nouveau dans les appartements reconstitués d'Hugo qui nous émeut plus comme père meurtri que comme opposant stérile au second Empire, une des périodes de plus grande innovation que la France ait connu. Car, que peut-on reprocher à Napoléon III ? Deux choses, pas davantage. Un coup d'Etat bien moins sanglant que la boucherie que les républicains eux-mêmes avaient ouverte trois ans plus tôt, en juin 1848, pour y équarrir les socialistes. Et la perte finale de l'Alsace-Lorraine. Au regard de la modernisation de son économie, des grands travaux, notamment parisiens et du rattachement de Nice et la Savoie, ce n'est pas un mauvais bilan.

Surtout si l'on n'oublie pas cette incroyable histoire que je ne résiste pas au plaisir de vous raconter. En 1917, Woodrow Wilson s'apprête à déclarer les hostilités à l'Allemagne. Mais il se refuse à inclure dans les buts de guerre la récupération de l'Alsace et de la Lorraine par la France, arguant que ces terres ne sont pas réellement françaises et que les Allemands les considèrent comme faisant partie de leur possessions historiques. Intervient alors l'ex impératrice Eugénie, qui se morfond dans son exil anglais depuis près de 50 ans et achève sa très longue existence. Elle avait gardé par devers elle - la coquine ! , un courrier du roi de Prusse Guillaume 1er, envoyé au début du conflit de 1870, où ce dernier lui écrivait que l'Alsace et la Lorraine n'étaient pas allemandes mais qu'il voulait s'en emparer pour de simples raisons stratégiques !

" ... après avoir fait d'immenses sacrifices pour sa défense, l'Allemagne veut être assurée que la guerre prochaine la trouvera mieux préparée à repousser l'agression sur laquelle nous pouvons compter aussitôt que la France aura réparé ses forces et trouvé des alliés. C'est cette considération seule, et non le désir d'agrandir une patrie dont le territoire est assez grand, qui me force à insister sur des cessions de territoires, qui n'ont d'autre but que de reculer le point de départ des armées françaises qui, à l'avenir, viendront nous attaquer..."

Elle adressa cette lettre à Clemenceau qui la brandit devant Wilson et le retour de l'Alsace et de la Lorraine fut inclus dans le programme des alliés. Il faut croire qu'Eugénie avait survécut tout ce temps pour racheter le seul passif de feu son époux. Merci à elle et peut-être qu'un jour leurs dépouilles à tous deux reviendront en France, libérées de l'injuste opprobre qui les frappe encore aujourd'hui. Autre digression politiquement peu correcte : l'orientalisme, dès ses origines, prépara le terrain au colonialisme. Quant à l'hystérie turcophobe des écrivains français au moment de la guerre d'indépendance grecque, elle ferait frémir les bonnes consciences d'aujourd'hui. Décidément, rien de tel qu'un peu d'Histoire pour tordre le cou aux idées pré-conçues.

Dimanche 28 Mars 2010
Serge Federbusch





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