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Orient (très) compliqué et idées (trop) simples


Vers l’Orient compliqué, De Gaulle déclara un jour voler avec des idées simples. Cet optimisme n’a pas suffit puisque l’action du père fondateur de la Vème république a altéré durablement les relations franco-israéliennes sans que son influence politique sur le monde arabe y ait beaucoup gagné.



Orient (très) compliqué et idées (trop) simples
Ce qu’expérimente aujourd’hui Sarkozy, comme Chirac ou Mitterrand avant lui, c’est qu’il est plus difficile de s’inviter dans les affaires israélo-arabes que de s’investir dans tout autre sujet sur la scène internationale. L'expérience voudrait donc que la France fasse son deuil de toute influence sur le cours des choses dans cette région : il n’y a que des coups à prendre.

Pourtant, la France sera mêlée de gré ou de force à ce qui se passe là-bas, ne fût-ce que parce qu’elle est le seul pays à abriter, en dehors d’Israël et, dans une moindre mesure, des Etats-Unis et de l’Angleterre, une communauté juive et une communauté arabe numériquement et politiquement significatives et qui pourraient se laisser aller à de l’antagonisme violent.

Dans ces conditions, il n’est de bonne diplomatie que réaliste. Aussi, les données de base du conflit israélo-arabe doivent être gardées à l’esprit, sans illusion aucune.

Primo, il sera avant longtemps impossible de convaincre les Israéliens que les Arabes ne veulent pas la destruction de leur Etat. Pour la bonne raison que ce désir d’élimination est une réalité dans une large fraction de l’opinion arabe, au Moyen-Orient et ailleurs.

Secundo, la faiblesse de la culture démocratique dans le monde arabe ne facilite pas la tolérance vis-à-vis du corps étranger que constitue Israël, que l’Histoire a malicieusement installé au cœur même du Moyen-Orient. Quand la dissidence politique n’est pas admise, la dissidence territoriale l’est encore moins.

Troisièmement, l’instrumentalisation du conflit par des pays qui ne sont pas immédiatement exposés en cas de recours aux armes est extrêmement dangereuse. Autant la lassitude a pu contraindre les gouvernements syrien, jordanien et égyptien à tempérer leur bellicisme, autant l’Iran, qui a moins à craindre pour son territoire et sa population, peut plus facilement jeter de l’huile sur le feu. La réplique israélienne ne pourrait être que très lourde et même disproportionnée si Téhéran était pris la main dans le sac de l’agression.

Quatrièmement, la séparation des populations, par un mur de protection par exemple, n’offre qu’une solution temporaire. Selon le principe - optimiste - que ceux qui ne s’aiment pas mais ne se voient pas ont moins de raisons de se haïr, une séparation étanche entre Juifs et Arabes aurait pu offrir un pis-aller, le temps que les plaies cicatrisent. Mais il faut se rendre à l’évidence : cela ne suffira pas car le partage territorial est très complexe et implique un équilibre dans le tracé du mur que les Israéliens n’ont pas eu l’intelligence ou la volonté de s’auto-imposer. De plus, un banal armement permet aujourd’hui d’envoyer des projectiles au-delà de ce type de séparation. Enfin, il y a toujours, en suspens, la question des Arabes vivant sur le territoire même d’Israël, dont ils sont nationaux et dont l’expulsion est inenvisageable. Leur dynamisme démographique est toutefois une menace pour Israël à long terme.

Cinquièmement, même si cela peut paraître saugrenu, la question du passage du terrorisme à l’âge bactériologique et nucléaire se posera un jour. Qui Israël frapperait-il, en représailles, si un pareil engin explosait un jour à Tel-Aviv sans qu’on sache qui l’y a installé ? Les services de renseignement les mieux informés ne pourront éternellement tout anticiper.

Bref, l’avenir de la paix au Moyen-Orient est sombre. Si le conflit a aujourd’hui tendance à se circonscrire territorialement (d’abord avec les Etats limitrophes, puis avec les Palestiniens, maintenant avec les Gazaouis), les risques d’un retour à l’embrasement général n’ont pas disparu, notamment en cas de difficultés économiques dans un monde arabe frappé par la baisse du prix du pétrole. Une paix durable ne pourrait passer que par la montée en puissance du métissage communautaire, des pratiques démocratiques, de la laïcité et du développement économique, le tout si possible au même rythme car si l’un de ses éléments venait à manquer, il se vengerait des autres.

Par-delà les missions de bons offices, c’est essentiellement dans son exemplarité dans ces domaines que la France pourrait, à long terme, retrouver un début d’influence en Orient


Dimanche 11 Janvier 2009
Serge Federbusch





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