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Double descente



En 1432, Rogier de la Pasture, dit Rogier Van der Weyden par les Flamands, se voit commander par la compagnie des arbalétriers de Louvain un tableau sur le thème de la déploration du Christ. A peu près au même moment, à Florence, un artiste au talent égal au sien, Fra Angelico, peint lui aussi un grand retable sur ce poignant sujet.

La comparaison de ces deux oeuvres exceptionnelles montre comment le Nord et le Sud de l'Europe vont suivre des chemins esthétiques, religieux et politiques divergents jusqu'à ce que Rubens ne les réconcilie dans une descente de croix profane.

Le jour où un musée les réunira le temps d'une exposition pour les comparer, on pourra croire à l'Europe de la culture.



Le rapprochement de ces deux oeuvres, peintes peu ou prou la même année sans que leurs auteurs n'aient aucunement connaissance du travail de l'autre illustre la dualité européenne.

Chez le Flamand, et plus généralement en Europe du Nord, une esthétique et une vision du monde sécularisée, civile, bourgeoise. Autour du Christ des personnages sans auréole, sans lustre ni richesse, sans créature céleste. Le sacré est dans le sentiment, l'intériorité. Pas d'église, ni de prélat ou de puissance projetant son luxe autant que ses sentiments.

Chez l'Italien, le monde des anges, du surnaturel, du pouvoir de l'église domine la vie des simples mortels. Or et tissus chatoyants accompagnent un Christ d'une figure naïve et presque enfantine, seule image de la simplicité et de la passion. Une hiérarchie est instaurée. Les docteurs de la foi et de la loi discutent sans la lumière de la sainteté. Vaine est leur palabre tandis que meurt le messie en son enveloppe charnelle.

Chez le Flamand, la révélation est intérieure, confinée à un espace clos, dans un structure presque cubisante. La foi n'a pas à se répandre dans la cité pour la dominer. Chez l'Italien, ce n'est plus de foi mais de religion qu'il s'agit, d'un processus social, discursif, englobant qui va bientôt s'emparer de la ville et des foules.

C'est le retour à soi ou l'expérience collective qui vont désormais s'affronter, l'individu et le groupe qui sont les voies d'accès concurrentes à la vérité.



Mardi 8 Septembre 2015
Serge Federbusch






1.Posté par Hauben Meise le 19/10/2015 10:08
Voici qui nous entraîne bien loin, très loin des berges de la Seine, et de la sottise de nos édiles. Merci Serge.

2.Posté par ACL le 20/10/2015 09:54
Magnifique
Bravo

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