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Louis-Léopold Boilly et Marcel Proust : deux éminents talents parisiens à l’honneur à Carnavalet et Cognacq-Jay








Delanopolis, avant sa mue prochaine, reprend deci delà ses chroniques culturelles et politiques.

Détendez-vous ça va bien se passer !



Louis-Léopold Boilly et Marcel Proust : deux éminents talents parisiens à l’honneur à Carnavalet et Cognacq-Jay
Mais oui les amis ! Il y a quelque chose qui tourne encore à peu près rond dans la tentaculaire et désespérante administration municipale. Ce sont quelques musées qui produisent de mémorables expositions qu’il convient à peine de recadrer politiquement quand leur message est trop aseptisé ou biaisé mais qui, hormis ce véniel défaut, sont à peu près parfaites par leur richesse et leur didactisme.

Allons d’abord célébrer Louis-Léopold Boilly à Cognacq-Jay. Son dessin précis et nerveux, son usage subtil des couleurs vives étaient mis au service d’un propos plein d'humanité et d’humour, direct et sans ambages. Il s’amusait plus qu’il ne se moquait des trognes de son époque. Par chance la photographie n’existait pas encore et il portraitura ainsi près de cinq mille clients, toujours dans le même format serré, qui forment comme un panorama des physionomies de son temps. Moins acide que Daumier, il nous a laissé une galerie savoureuse dont de nombreuses oeuvres sont encore à redécouvrir dans les salles de vente publiques ou chez les antiquaires.

Ses scènes de genre excellaient au cocasse, en particulier quand il montrait une foule se ruant vers des distributions alimentaires, s’agglutinant à des représentations théâtrales gratuites ou qu’il s’attendrissait de retrouvailles familiales au pied des diligences. Paris fut le décor de son oeuvre et maints paysages urbains lui servirent de toiles de fond. Le moindre détail de ses tableaux est pensé et juste, la plus fuyante expression d’un chien est pleine de drôlerie.

En réalité, Boilly reprenait les codes de la peinture de genre hollandaise passés au tamis de la rigueur et de la sobriété néo-classique. Cette synthèse en fait un maître dont l’oeuvre est aujourd’hui encore sous-estimée mais cette injustice sera tôt ou tard réparée.

Ajoutons à cela une dimension politique parfaitement quoi que subtilement contemporaine. Prenez ainsi trois de ses gravures de la mémorable série des grimaces. L’une présente un enfant qu’on force à la vaccination, l’autre une consultation de médecins scrofuleux et cacochymes ressemblant à s’y méprendre au Conseil de défense sanitaire macroniste et la troisième un peuple abruti par le retour des distributions étatiques, toute ressemblance avec les aides du « quoi qu’il en coûte » et l’argent magique de la planche à billets étant parfaitement adaptée.

Boilly tu nous épates encore !


Passons maintenant à un nom de plus grande renommée dans un autre domaine, celui de la littérature : Marcel Proust, né à Paris où il mourut il y a cent ans désormais. Son oeuvre, malgré quelques échappées campagnardes ou balnéaires, se situe pour l’essentiel dans le Paris de la Troisième république. Tant de textes y ont été et y seront consacrés qu’il est oiseux de trop en ajouter.

Disons simplement qu’on comprend mieux, avec le recul du temps, combien cette petite société d’aristocrates et de grand bourgeois cherchait à revivre le faste du Grand siècle et le bouillonnement des salons des Lumières alors que le pouvoir politique lui échappait déjà à peu près complètement au bénéfice d’un personnel âpre au gain grenouillant chez les Républicains opportunistes et les Radicaux. Le gros et gras argent leur faisait aussi déjà défaut et il fallait le trouver dans des mariages intéressés avec de riches héritières américaines, tel Boniface de Castellane mettant le grappin sur la fille Gould pour faire construire son Palais Rose.

Proust était comme une araignée au milieu de sa toile, prenant ses modèles dans les fils de son esprit pour les paralyser, les assécher, en faire des figures de style. Arachnéen, il bougeait peu et sortait avec réticence de son réseau patiemment tissé. Dans la richesse immense et féminine de ses périphrases on trouvait toujours, à la fin, une pensée mâle et directe qui transperçait sa proie. Alors soyons potache : l’araignée faisait mouche.

Je me souviens d’un entretien de François Mauriac qui faisait de Proust l’égal et le continuateur de Balzac par d’autres moyens. Y-a-t-il hommage plus immense que de le comparer ainsi à cet absolu génie littéraire ? A ce propos on remarquera que trois des plus grands écrivains de l’Histoire, Shakespeare, Balzac et Proust sont morts d’épuisement au labeur autour de cinquante ans.

C’est donc à Paris que ce demi-siècle de vie mondaine, culturelle et politique se dresse dans son oeuvre. Chaque artère de la ville haussmannienne de la rive droite qui érigeait alors ses nouvelles façades de calcaire a pu voir ce promeneur les observer avec subtilité.

A ce propos, des nombreuses choses qu’on apprend en parcourant cette remarquable exposition une retiendra notre attention : Proust n’aimait pas cette architecture dix-neuvièmiste parisienne dont nous apprécions aujourd’hui le raffiné mariage de la rigueur sérielle et de l’ornementation. Pourquoi ? Sans doute parce que, comme chez ces aristocrates et grands bourgeois un peu décadents qu'il narrait, il percevait une volonté de singer le Grand siècle avec de plus petits moyens. La Première guerre mondiale passa par là et liquida cet héritage déjà fragile.

Aujourd’hui, nous sommes bien plus avancés encore sur la voie de la paupérisation économique, culturelle et sociale et cette époque nous paraît raffinée et fastueuse.

Qu’en sera-t-il demain ? Allons vite rencontrer Marcel Proust à Carnavalet pendant que nous pouvons encore - un peu - le comprendre.


Louis-Léopold Boilly et Marcel Proust : deux éminents talents parisiens à l’honneur à Carnavalet et Cognacq-Jay

Louis-Léopold Boilly et Marcel Proust : deux éminents talents parisiens à l’honneur à Carnavalet et Cognacq-Jay

Lundi 21 Février 2022
Serge Federbusch





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