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Gadafi à Paris ... 19


Une politicomédie de Claude Feder en vers et contre tout !


Résumé des scènes précédentes


Acte 1

Sganeron, majordome de Nicolas Sara-Cosi, coprince d’Andorre et chanoine de Saint-Jean de Latran, est démasqué par Océane, gendarme de faction à l’Elysée : c’est un agent de la DST infiltré pour surveiller le chef de l’Etat. Mais l’appel des sens les unit immédiatement. Le coprince vit à l’Elysée avec deux femmes : Cécilina et Carlotta. Seule la première est connue, Carlotta se pliant à la clandestinité pour tromper son monde. Le sauveur suprême Gadafi, en visite officielle à Paris, vient en réalité pour récupérer Carlotta, dont il est follement épris. Pendant ce temps, Caroline Schpountz, marchande de canons, Eglantin d’Esprit et Philippe Perron, correspondants de presse ainsi que ministres, opposants et porte-parole cherchent à tirer parti de la présence du lybien.

Acte 2

Les Tigresses, gardiennes du corps de Gadafi tentent en vain de le dissuader de rapter Carlotta. Sganeron et Océane offrent leurs services à Caroline Schpountz qui compte bien, elle aussi, s’emparer d’une des jumelles pour faire chanter le coprince et obtenir le droit de vendre des armes à Gadafi. On apprend que Carlotta a attiré Gadafi dans un guet-apens et veut se venger d’un passé scabreux. Finalement, Carlotta disparaît sans qu’on sache qui a fait le coup car Océane est retrouvée ligotée. Gadafi et le coprince sont à deux doigts d’en venir aux mains quand on découvre que c’est ce dernier qui a mis Carlotta à l’abri.

Entracte chanté

Acte 3

Sganéron et Océane sont interrogés de manière musclée par les serviteurs du coprince, en réalité des membres de son service de sécurité. Pour éviter d’être trucidée, Océane s’engage à manipuler Marjolaine Ducal, leadeuse de l’opposition et à la compromettre dans un faux complot. Le coprince révèle à Carlotta et Cécilina son intention de droguer Gadafi pour le réexpédier en Lybie. Cécilina et Carlotta échangent leurs vêtements et griment leur unique différence : un grain de beauté sur la fesse de telle façon que Gadafi ne puisse en aucun cas les distinguer. La marchande de canons révèle à Gadafi qu’elle détient un équipement lui permettant de localiser Carlotta : un micro posé sur sa hanche. Océane fait croire à Ducal que le code nucléaire français est lui aussi caché sur le string d’une des sœurs qui s’apprêterait à le vendre à Gadafi.

Acte 4 (début)

Grâce à l'intervention de Caroline Schpountz, déguisée en Catwoman, Gadafi enlève Cécilina, pensant, trompé par le faux grain de beauté malgré de lourds soupçons, qu'il s'agit de Carlotta. Mais surgissent soudain Marjolaine Ducal, Roland des Bris et Bernard Touchter qui se précipitent sur Carlotta, croyant qu'il s'agit de Cécilina, pour tenter de prouver qu'elle vend des secrets d'Etat à Gadafi. Quand chacun réalise qu'il a été dupé, on se rend compte que la scène a été diffusée en direct à la télévision.



Gadafi à Paris ...  19
Scène 3

Les mêmes puis, en plus, Rana Male et Samuel Martinet


Ducal (regardant la caméra)

Françaises, Français mes chers compatriotes,
A l’heure où le pouvoir se prétend votre pote
Mais méprise vos votes et tous les jours complote
J’ai décidé d’agir contre une conspiration
Qui sans un coup férir s’accrochait en morpion

(Elle désigne le postérieur de Cécilina)

Là, où votre chanoine se perd en dévotions.
Livrant à l’ennemi (elle désigne Gadafi qui s’insurge)
Le sanctuaire sacré de notre société (elle redésigne les fesses),
Le garant essentiel de notre sécurité,
J’ai cru de mon devoir d’un peu plus près y voir
Et j’ai pu débusquer la cache de ces forfaits.
Je suis sûre qu’en grattant sans aller jusqu’au sang
L’épiderme félon sous ses dessous fripons
Je trouverai la preuve que c’est une vraie pieuvre
Qui de ses tentacules voulaient coincer nos bulles
Voler la bombe H et déterrer la hache
De guerre .
C’était l’âge de pierre, dont on nous menaçait
Usant de ce derrière pour nous écrabouiller

Touchter (il pousse Ducal et parle en tremblotant)

Françaises, Français
C’est d’abord au chanoine qu’iront mes premiers mots
N’ayez pas d’inquiétude, sans l’aide d’une multitude
J’ai circonvenu ces ânes (il désigne Ducal et des Bris)
Et ces piètres gogos.
Français, le vrai complot,
C’est ces deux zigotos qui le tramaient tout de go.

Des Bris

Traître, damné, infâme !
C’est ainsi que tu soldes tant d’années à aimer ?
Celui qui fut ta flamme, tu veux l’abandonner !

(Ducal fait des signes de la main devant la caméra pour dire que ce n’est pas d’elle qu’ils parlent et désigne des Bris.)

Gadafi (les poussant tous les trois)

Peuple opprimé de France et lascars de Navarre,
Ne croyez pas un mot de ces airs de pipeaux.
Il n’est pas nécessaire d’avoir le nucléaire pour s’envoyer en l’air
La Lybie, votre alliée, est aussi votre amie
Et si vos dirigeants sont certes de vrais glands
Vous pourrez les garder, vous pourrez les changer
Faites ce que vous voulez .
Moi, je veux qu’on me rende la femme que j’aimais,
Qui me fut dérobée lors d’une folle équipée en forme de coup monté.
Si je la récupère, je jure devant Saint Pierre et Saint Pierre et Miquelon
Que demain Tripoli sera comme Paris.
Nous avons de belles plages, des épaves de naufrages
Pour y faire des plongées,
Des dunes pour forniquer.
Il n’est pas un guerrier qui ne puisse fumer un calumet de paix.
Français, s’il vous demeure de la virilité
Regardez ces brunettes et vous serez tentés,

(Il désigne les Tigresses)

Si vous êtes honnêtes, de signer mes traités
Et de vous éclater
D’ailleurs, c’est sans guère hésiter que cet échantillon
Sera à volonté et à disposition
Des premiers partisans d’une collaboration.

Aïcha

Sauveur, tu dépasses les bornes de la déloyauté !
Qu’as-tu fais des promesses de tes jeunes années ?
Tu brades la Lybie pour les yeux d’une fille
Dont soit dit en passant la croupe te désarçonne.
Ses manières de garçonne ne valent rien de bon

Soraya

Grand frère sois un peu plus pépère
Et oublie cette mégère.

Gadafi

Celle qui demeure ici n’est pas celle qui me lie.

Schpountz (sortant soudain un pistolet de sa queue)

Allons, mes chers amis il faut que se terminent
Toutes ces crises d’hystérie, dignes d’une pantomime.

(Se tournant vers Gadafi)

Laissons ce névropathe, nous graisser tous la patte
Et aidons-le fissa à gonfler sa smala.
Dis nous donc maintenant un montant apaisant.

Gadafi

Si vous me promettez de tous vous associer,
Je considèrerai une offre appropriée.

Schpountz

Dans ce genre d’affaires, il faut être très clair.

Asma

Sauveur, la Lybie est rincée et il faut t’arrêter !

Schpountz

Je suis sûre qu’une tigresse n’a pas besoin de laisse
Pour vivre épanouie et j’ai quelque projet dans de lointains pays.

(Elle cligne de l’œil, l’autre fait mine de réfléchir)

Gadafi

Une centaine de millions à chacun dans cette pièce et l’affaire est conclue
Sans laisser une adresse.

(Tous se regardent, les journalistes baissent lentement leur caméra.)

Eglantin d’Esprit

Et des millions de quoi, si je puis votre Altesse ?

Gadafi

C’est vous qui choisirez, entre toutes les monnaies, celle que vous préférez

Ducal (désignant les caméras)

Mais nous sommes en direct et dans ces conditions il est hors de question d’avoir mon consentement.

Perron

Le direct est souvent une simple notion
Et il peut arriver que nous laissions du temps
Pour un peu de montage.

Ducal

Qu’en est-il en espèce ?

Esprit

Nous avons une marge,
Qui certes n’est pas très large,
Une petite demi-heure.

Des Bris

Avant que fonde le beurre ?

Touchter

S’il est un consensus, c’est bien le compte en Suisse.

Ducal

Je m’interroge quand même.
Tout ça est terre-à-terre,
Antiparlementaire.

Des Bris et Touchter (à Ducal)

Que faut-il à la France ?
Une petite ignorance
Qui lui donne la paix
Ou bien une vérité
Qui la fasse exploser ?

Ducal

Mais qu’allons nous donc faire
De cette mijaurée ?
J’ai comme la vague idée qu’il existe un chanoine
Qui risque de refuser cette solution de paix.
Je me vois obligée de devoir proposer
De les éliminer et de prendre sa place dans la galerie des glaces
Où un fameux traité pourra être signé.

Gadafi (à Schpountz)

Tes milliers de missiles et tous tes projectiles,
Tes cohortes d’assaut et tes avions Dassault
Où sont-ils stationnés, pourrais-tu les lancer ?

Schpountz

Si tout est réglé cash, ma guerre sera trash.

Gadafi

J’enverrai aussi sec des commandos de mecs
Qui en ont dans le froc et ne sont pas en toc.

Touchter

Calmons-nous mes amis.
Est elle donc nécessaire cette idée meurtrière ?
Prenons le picotin et laissons le turbin de régenter la France
Au coprince qui a faim et soif de récompenses.
Une courte journée ne compte que vingt-quatre heures
Depuis que nous sommes nés nous avons cavalé
Et nous sommes démenés au prix de nos bonheurs.
Sachons lâcher du lest, envolons nous vers l’Ouest

Perron

Moi qui fus le témoin d’une foule de complot,
Je veux garder la main au chaud sur le magot
Et crains le manque de pot.

Esprit

Résolvons simplement le cas de ces nanas,
Retrouvons prestement de quoi calmer ce fat
(Il désigne Gadafi de la main)
Et fuyons dignement sans risquer l’au-delà.

Gadafi

Maintenant ça suffit ! Qu’on me rende ma chérie,
Sinon, c’est tout Paris dont je fais un débris.
Car je vous avouerai que dans un sac Vuitton
J’ai planqué en secret une bombe à neutron !

Schpountz (scandalisée)

Combien l’as-tu payée, qui te l’as procurée !?

Touchter (désignant Gadafi)

Et dire que je roule pour ce tyran maboule !

Gadafi (sortant un téléphone portable)

J’appelle un numéro et c’est un rodéo
De fusion atomique entendu d’Amérique.

Ducal (approchant de Gadafi)

J’agirai en leader et méprisant la peur
Je suis prête à la botte, pour te calmer despote !

Gadafi (la repoussant)

Un seul être me manque et tout est surpeuplé.
Remballe ta marchandise elle n’est pas à ma guise.
Un seul nom : Carlotta ou c’est l’apocalypse
Qui vous aplatira, fera de vous du gypse.

Perron

Et bien retrouvons la !

Cécilina

Ah, ah, ah !
Vous pouvez vous brosser pour la récupérer.

Esprit

Foldingue, tu vas nous dire comment on peut sortir
De ce foutu délire !
Ce n’est pas du théâtre, ce n’est pas un spectacle
C’est un vrai dictateur qui à moi me fait peur.

(Gadafi opine du chef)

Aïcha

C’est vrai, je vous confirme, ce n’est pas de la frime,
Il a de quoi raser tous les Champs-Elysées.
Mieux vaut pour vous palper ses épaisses coupures
Que finir en friture.

Schpountz

Je tiens la solution.

(Tous la regardent)

Mais elle coûte des ronds.

Touchter

Ah ça, mais c’est fini cette mentalité
Qui nous fera flamber !
Si tu ne livres pas à l’instant tes secrets,
Je ton tondrai à ras et je t’aplatirai.

Schpountz

Bon, bon, prenez ça comme un geste commercial, mais qu’il soit entendu
Que c’est un à-valoir sur un transfert dodu.
J’ai toujours avec moi un sérum qui doit
Faire jacasser son homme.
Il fera pour une fois déblatérer sa femme.

(Ils se jettent sur Cécilina et la forcent à boire)

Schpountz

Le contenu de cette fiole est d’effet immédiat,
A moins qu’elle devienne folle, sur tout elle jactera.

Cécilina (groggy)

Mon tendre Nicolas, sors de ce sac là !

(Ils sont stupéfaits)

Samia

Elle délire, n’ayez crainte elle est seule dans sa plainte.

Cécilina

Je sais que tu m’entends mon fier dirigeant !

Ducal

Il l’entend ? Comment ferait-il donc ?

Cécilina (bafouillant en riant)

Cette fois, ils sont marrons et s’étalent de leur long.

Touchter

Je crains pour nous le pire s’il nous a vus venir.

(Soudain, on entend des bruits, la porte s’ouvre, apparaissent Rana Male et Samuel Martinet)

Samuel

Nous sommes là, mon coprince, jeunes, fidèles et minces !

Rana

Dès que tu as sifflé, nous avons cavalé.

Samuel (avec un timbre qui baisse quand il voit l’assemblée)

Et avons radiné à l’endroit désigné.

(Ils se figent soudain)

Rana

Nous serions nous trompés ?

Schpountz (les braquant)

Il valait mieux sonner que vous précipiter.

(La lumière baisse)


Mardi 2 Juin 2009
Serge Federbusch





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