Scène 5
Toujours la même pièce - Samuel Martinet (porte-parole du coprince), Bernard Touchter (étrange ministre des affaires), Rana Male (secrétaire d'Etat à l'amitié)
Samuel Martinet
De porte-faribole à porte-casserole,
Je dois jouer des rôles qui ne sont pas très drôles.
Je ne trouve plus de mots à servir aux gogos.
Je n’ai plus de parole pour me pousser du col
Devant ces journalistes qui me traitent de touriste.
Bernard Touchter (acquiesçant)
Ta position est dure, s’il va dans le mur
C’est toi qui te fracasse et qui perd ta place.
S’il monte au pinacle, l’opposition te tacle.
S’il est au pilori, l’opposition en rit.
J’en ai connu plus d’un qui périt à demi
A raconter des cracks et vanter des arnaques.
Rana Male
La popularité, c’est sa tasse de thé.
Il te faut la manier avec force doigté.
Trop chaude, elle te brûle.
Trop froide, il t’annule.
Et tu dois retourner glander au Quai d’Orsay.
Samuel
Quelle horreur, je périrais sur l’heure !
Rédiger des dépêches, je n’en ai plus la pêche.
Et question télégrammes, je n’en fais pas une rame.
Bernard
C’est curieux mon garçon, aujourd’hui ce travail à façon
A été remplacé par des mails codés.
Quand donc as-tu quitté le Quai de tes aînés ?
Samuel
Pour ainsi dire jamais je n’y ai mis les pieds.
On m’en fit un tableau à s’enfuir en radeau.
Des cueilleurs de citrons qui parlent et tournent en rond.
Vous comprendrez pourquoi je fis un autre choix
Et suivit le coprince qui me tendit la pince.
Rana (guillerette)
Moi je le trouve yéyé, je suis toute excitée
A l’idée d’agrandir notre nouvel empire.
Bernard
A quel territoire peux-tu faire référence
Car nous broyons du noir quand nous sortons de France ?
Il faudrait que tu piges qu’est fini le prestige
Grâce auquel nous puisions dans ces tas de pognon.
Désormais les Chinetoques nous portent des estocs
Et même les Indiens nous traitent comme des chiens.
Rana (semblant l’écarter d’un geste de la main)
Vieux ringard, vieux vicelard, tu te trompes de bagarre !
Bernard
Oh ! Comment oses-tu, comment te permets-tu ?
Rana
Ecoute un peu pépé : de nos jours les médias
Sont les greniers à blé et dirigent les Etats.
Inutile d’envoyer des armées au combat
Quand c’est à la télé qu’on triture les débats.
Le chanoine a compris où se trouve le grisbi.
Samuel
Elle a raison ma foi, telle est la nouvelle loi.
Si Gadafi rapplique à Paris plein de fric,
C’est bien pour s’assurer qu’on tire son portrait
En parfait homme de paix.
Il rêve de Nobel, s’imagine père Noël,
Se voudrait populaire, ferait tout pour nous plaire,
C’est une question d’image s’il apparaît tout sage.
Rana Male
Pourquoi croyez-vous donc que je gaspille mes dons ?
Est-ce vraiment mon style, ce ministère débile
Dont on m’a affublée pour mieux me bizuter ?
Il a fallu pourtant que j’accepte ce présent,
Me faire limer les dents, ne parler qu’en souriant.
C’est pour les caméras que j’endure ces tracas.
Samuel
Etre télévisé ou ne pas exister …
Chargée de l’amitié, tu l’as bien résumé,
C’est un foutu métier.
Mais le mien est plus rude, chacun me tire des Scuds.
Du soufflet du chanoine, je souffre comme un âne.
De tous ces sacrifices, j’attends les bénéfices.
Il me faut éviter les carrières ratées
Et les destins bâclés de ceux qui sont mal nés.
Touchter (badin)
L’important, mes enfants, c’est le remaniement.
On n’est jamais très loin d’échouer sur le foin.
Le coprince est fantasque, il nous tient par les basques
Puis nous oublie sur l’heure, nous livrant au malheur
D’être congédié net sur un seul coup de tête
Appris par Internet.
Rana
Comment ? Quel remaniement ?
Samuel
Tu n’es pas au courant ? Gadafi reparti ce sera l’hallali.
Le chanoine a soupé de nos rivalités.
Il nous hachera menu et nous bouffera tout cru.
Rana
Mais c’est épouvantable, ce doit être une fable ?
Samuel
Je suis c’est évident tenu par mes serments
Mais Bernard a raison, il mijote des plans.
Rana
A peine serais-je sortie de ma terrible vie
Qu’il faudrait retourner à mes tristes dossiers ?
(elle met les mains sur sa gorge et poursuit)
Je sais que le chanoine sur sa petite cane
Ne tarit pas d’éloge et si je ne déroge,
Nul ne me déloge.
Bernard (dubitatif)
Comme je serais heureux d’être aussi peu nerveux.
Samuel (clignant de l’œil en regardant Bernard)
Ce serait merveilleux si j’étais aussi pieux.
(Il joint ses mains.)
Rana (rageusement)
J’ai compris votre jeu, on dirait deux morveux.
Bernard
C’est beau d’être optimiste, de se croire sur la liste
Des fidèles intouchables, du carré des plus stables.
Rana
Vous ne parviendrez pas à me faire du tracas !
Et j’ai entendu dire que vos rôles expirent
D’ici quelques semaines : vos menaces sont vaines.
Samuel (haussant les épaules et souriant)
Nous serions donc virés ? Tu veux nous affoler …
Bernard
Ah ça ! Elle entend donc nous mener sur sa jonque.
Samuel
On ne nous la fait pas dans ce registre là.
Bernard Touchter (inquiet)
Aurais-tu des infos de derrière les fagots ?
Rana (riant et chantant sur l’air du grand méchant loup)
Ah, ah !
Qui craint le coprince en tout, c’est p’têt’ vous
C’est pas nous, tra la la la la la la tra la la la la …
(Elle tourne les talons et quitte la pièce tandis que Samuel et Bernard se regardent.
La lumière s’éteint, on continue d’entendre la rengaine.)
Qui craint le coprince en tout, c’est p’têt’ vous
C’est pas nous, tra la la la la la la tra la la la la …
Fin du premier acte
A suivre ...
Toujours la même pièce - Samuel Martinet (porte-parole du coprince), Bernard Touchter (étrange ministre des affaires), Rana Male (secrétaire d'Etat à l'amitié)
Samuel Martinet
De porte-faribole à porte-casserole,
Je dois jouer des rôles qui ne sont pas très drôles.
Je ne trouve plus de mots à servir aux gogos.
Je n’ai plus de parole pour me pousser du col
Devant ces journalistes qui me traitent de touriste.
Bernard Touchter (acquiesçant)
Ta position est dure, s’il va dans le mur
C’est toi qui te fracasse et qui perd ta place.
S’il monte au pinacle, l’opposition te tacle.
S’il est au pilori, l’opposition en rit.
J’en ai connu plus d’un qui périt à demi
A raconter des cracks et vanter des arnaques.
Rana Male
La popularité, c’est sa tasse de thé.
Il te faut la manier avec force doigté.
Trop chaude, elle te brûle.
Trop froide, il t’annule.
Et tu dois retourner glander au Quai d’Orsay.
Samuel
Quelle horreur, je périrais sur l’heure !
Rédiger des dépêches, je n’en ai plus la pêche.
Et question télégrammes, je n’en fais pas une rame.
Bernard
C’est curieux mon garçon, aujourd’hui ce travail à façon
A été remplacé par des mails codés.
Quand donc as-tu quitté le Quai de tes aînés ?
Samuel
Pour ainsi dire jamais je n’y ai mis les pieds.
On m’en fit un tableau à s’enfuir en radeau.
Des cueilleurs de citrons qui parlent et tournent en rond.
Vous comprendrez pourquoi je fis un autre choix
Et suivit le coprince qui me tendit la pince.
Rana (guillerette)
Moi je le trouve yéyé, je suis toute excitée
A l’idée d’agrandir notre nouvel empire.
Bernard
A quel territoire peux-tu faire référence
Car nous broyons du noir quand nous sortons de France ?
Il faudrait que tu piges qu’est fini le prestige
Grâce auquel nous puisions dans ces tas de pognon.
Désormais les Chinetoques nous portent des estocs
Et même les Indiens nous traitent comme des chiens.
Rana (semblant l’écarter d’un geste de la main)
Vieux ringard, vieux vicelard, tu te trompes de bagarre !
Bernard
Oh ! Comment oses-tu, comment te permets-tu ?
Rana
Ecoute un peu pépé : de nos jours les médias
Sont les greniers à blé et dirigent les Etats.
Inutile d’envoyer des armées au combat
Quand c’est à la télé qu’on triture les débats.
Le chanoine a compris où se trouve le grisbi.
Samuel
Elle a raison ma foi, telle est la nouvelle loi.
Si Gadafi rapplique à Paris plein de fric,
C’est bien pour s’assurer qu’on tire son portrait
En parfait homme de paix.
Il rêve de Nobel, s’imagine père Noël,
Se voudrait populaire, ferait tout pour nous plaire,
C’est une question d’image s’il apparaît tout sage.
Rana Male
Pourquoi croyez-vous donc que je gaspille mes dons ?
Est-ce vraiment mon style, ce ministère débile
Dont on m’a affublée pour mieux me bizuter ?
Il a fallu pourtant que j’accepte ce présent,
Me faire limer les dents, ne parler qu’en souriant.
C’est pour les caméras que j’endure ces tracas.
Samuel
Etre télévisé ou ne pas exister …
Chargée de l’amitié, tu l’as bien résumé,
C’est un foutu métier.
Mais le mien est plus rude, chacun me tire des Scuds.
Du soufflet du chanoine, je souffre comme un âne.
De tous ces sacrifices, j’attends les bénéfices.
Il me faut éviter les carrières ratées
Et les destins bâclés de ceux qui sont mal nés.
Touchter (badin)
L’important, mes enfants, c’est le remaniement.
On n’est jamais très loin d’échouer sur le foin.
Le coprince est fantasque, il nous tient par les basques
Puis nous oublie sur l’heure, nous livrant au malheur
D’être congédié net sur un seul coup de tête
Appris par Internet.
Rana
Comment ? Quel remaniement ?
Samuel
Tu n’es pas au courant ? Gadafi reparti ce sera l’hallali.
Le chanoine a soupé de nos rivalités.
Il nous hachera menu et nous bouffera tout cru.
Rana
Mais c’est épouvantable, ce doit être une fable ?
Samuel
Je suis c’est évident tenu par mes serments
Mais Bernard a raison, il mijote des plans.
Rana
A peine serais-je sortie de ma terrible vie
Qu’il faudrait retourner à mes tristes dossiers ?
(elle met les mains sur sa gorge et poursuit)
Je sais que le chanoine sur sa petite cane
Ne tarit pas d’éloge et si je ne déroge,
Nul ne me déloge.
Bernard (dubitatif)
Comme je serais heureux d’être aussi peu nerveux.
Samuel (clignant de l’œil en regardant Bernard)
Ce serait merveilleux si j’étais aussi pieux.
(Il joint ses mains.)
Rana (rageusement)
J’ai compris votre jeu, on dirait deux morveux.
Bernard
C’est beau d’être optimiste, de se croire sur la liste
Des fidèles intouchables, du carré des plus stables.
Rana
Vous ne parviendrez pas à me faire du tracas !
Et j’ai entendu dire que vos rôles expirent
D’ici quelques semaines : vos menaces sont vaines.
Samuel (haussant les épaules et souriant)
Nous serions donc virés ? Tu veux nous affoler …
Bernard
Ah ça ! Elle entend donc nous mener sur sa jonque.
Samuel
On ne nous la fait pas dans ce registre là.
Bernard Touchter (inquiet)
Aurais-tu des infos de derrière les fagots ?
Rana (riant et chantant sur l’air du grand méchant loup)
Ah, ah !
Qui craint le coprince en tout, c’est p’têt’ vous
C’est pas nous, tra la la la la la la tra la la la la …
(Elle tourne les talons et quitte la pièce tandis que Samuel et Bernard se regardent.
La lumière s’éteint, on continue d’entendre la rengaine.)
Qui craint le coprince en tout, c’est p’têt’ vous
C’est pas nous, tra la la la la la la tra la la la la …
Fin du premier acte
A suivre ...